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Le nouvel accord commercial entre le Chili et l’UE doit être arrêté

lundi 12 décembre 2022

La Commission européenne a annoncé ce vendredi 9 décembre avoir finalisé les négociations pour un nouvel accord de libéralisation du commerce et de l’investissement entre l’UE et le Chili. Présenté comme un levier de croissance économique et d’accès privilégié pour l’UE aux matières premières exploitées au Chili (lithium, cuivre...), cet accord vient approfondir la mondialisation néolibérale et productiviste pourtant source d’aggravation des nombreuses crises actuelles et vivement rejetée par les populations. Dans une déclaration signée par des dizaines d’organisations chiliennes, sud-américaines et européennes, dont de nombreuses françaises parmi lesquelles le collectif Stop CETA-Mercosur, la société civile appelle à stopper ce projet d’accord qui pourrait être signé au début de l’été 2023.

La Commission européenne poursuit la négociation et la finalisation de nouveaux accords de libéralisation du commerce et de l’investissement (Mercosur, Mexique, Chili, Nouvelle-Zélande, Inde, etc) comme si de rien n’était (1). Alors que ces accords sont toujours plus décriés, notamment pour leurs impacts climatiques, sociaux et économiques, et que les appels à la relocalisation des activités se fait toujours plus pressant, la Commission européenne continue à approfondir la mondialisation des échanges en négociant et finalisant de nouveaux accords qui visent à toujours importer et exporter plus avec des pays de l’autre bout de la planète. Avec ce nouvel accord UE-Chili, la quasi-totalité (99,9 %) des exportations de l’UE seront exemptées de droits de douane au Chili et la Commission européenne semble très fière d’annoncer que l’UE pourra importer plus de lithium, de cuivre et d’hydrogène dans des conditions privilégiées.

Selon la Commission européenne, cet accord va faciliter l’approvisionnement de l’UE en matières premières cruciales pour la transition énergétique et en diversifier l’origine. Dans les faits, un tel accord va accentuer la dépendance du Chili à l’exportation de matières premières et aux marchés mondiaux, plutôt que favoriser le développement d’une industrie et d’une économie locales créatrices d’emplois locaux. Par ailleurs, ce sont les entreprises multinationales qui exploitent, commercent et importent les matières premières qui en seront les grandes gagnantes, au détriment du peuple chilien, de ses territoires et de la planète.

En raison des clauses de cet accord protégeant les investissements étrangers, le Chili verra son droit légitime à réguler encore amputé : comme le précise la déclaration signée par des dizaines d’organisations chiliennes, sud-américaines et européennes, « si le Chili veut prélever des taxes plus élevées sur, par exemple, les produits miniers, introduire des subventions, fixer ses propres prix et imposer des réglementations aux investissements étrangers, ces mesures seraient considérées comme des obstacles (techniques) au commerce et pourraient entraîner des sanctions ». Les groupes français Aéroports de Paris (ADP) et Vinci Airports poursuivent déjà le Chili devant un tribunal d’arbitrage investisseurs-État suite à la baisse du trafic aérien sur l’aéroport de Santiago occasionnée par la pandémie (2).

Si la Commission européenne affirme que cet accord sera un exemple grâce à « une protection beaucoup plus forte de l’environnement et du climat, des droits du travail, de l’égalité des sexes et des systèmes alimentaires  », la réalité semble bien différente. Par exemple, si le principe de précaution sera sans doute mentionné dans le texte de l’accord, il ne devrait pas s’appliquer à la réglementation des pesticides. Plus généralement, voilà un nouvel accord de commerce dont les dispositions portant sur le climat sont faibles ou non contraignantes, et qui entrera nécessairement en contradiction avec les engagements de l’Accord de Paris.

Enfin, les entreprises européennes présentes dans le secteur des services vont très largement bénéficier de cet accord qui ouvre bon nombre de marchés publics chiliens (livraisons, télécommunications, transport maritime et services financiers) dans des conditions qui les favoriseront au détriment des entreprises locales.

Autant de raisons qui conduisent les organisations de la société civile chilienne et européenne à appeler à stopper ce nouvel accord commercial entre l’UE et le Chili. Qui plus est parce que la Commission européenne a décidé de scinder cet accord en deux parties distinctes : un accord de libre-échange intérimaire (ALEI), qui ne couvre que les parties "commerce" de l’accord qui relèvent de la compétence exclusive de l’UE, et le reste (coopération, investissements, etc) qui doit être ratifié par tous les États membres. C’est un précédent qui pourrait s’appliquer à d’autres accords tels que celui conclu avec le Mexique.

Notes :