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Accord UE-Mercosur : La France raconte n’importe quoi sur « la clause de sauvegarde »

mardi 4 novembre 2025

Interpellé par 46 organisations de la société civile le mardi 28 octobre dernier lui demandant de préciser sa position et de s’opposer à la ratification de l’accord UE-Mercosur, le gouvernement vient de donner une nouvelle formulation de ce qui est désormais l’unique exigence française : dans une interview dominicale, le ministre délégué à l’Europe Benjamin Haddad a précisé ce que l’exécutif attend à propos de « la clause de sauvegarde » : « Nous voulons que cette clause soit adoptée et reconnue par les pays du Mercosur avant toute signature de l’accord ». Cette assertion ne fait aucun sens : la clause de sauvegarde bilatérale est présente dans le contenu de l’accord tel que conclu en 2019 et elle n’a pas été modifiée depuis. Quant à la proposition de règlement européen rendue publique par la Commission européenne, c’est une législation unilatérale qui n’exige aucunement l’avis des pays du Mercosur. Enfin, la clause de sauvegarde ne permet de régler aucun des problèmes structurels que l’accord UE-Mercosur fait peser sur les filières agricoles les plus fragiles. Explications.

Lire le décryptage de l’Aitec : Accord UE-Mercosur : de quelles clauses de sauvegarde parle-t-on ? (4 pages, pdf)

Rappelons d’abord que la France avait posé en 2020 trois lignes rouges, qu’elles ont été abandonnées depuis (Lire la note Accord UE-Mercosur : où sont passées les lignes rouges de la France ?, 4 pages, pdf) et que la France ne communique désormais que sur le seul sujet de « la clause de sauvegarde », supposée régler les problèmes soulevés par les filières agricoles. Cet abandon en rase campagne fait suite au fait que la France n’a jamais demandé ni la modification ni le retrait du mandat de négociation dont disposait la Commission européenne.

La déclaration d’Emmanuel Haddad pourrait conduire à trois erreurs de compréhension :

  • il y aurait aujourd’hui une opportunité pour modifier le contenu de l’accord UE-Mercosur et d’y ajouter une clause de sauvegarde : c’est faux, les négociations sont conclues, le contenu de l’accord fixé … et celui-ci comprend une clause de sauvegarde bilatérale depuis 2019 a minima, que personne, pas même la France, n’a jamais proposé de modifier et /ou de renforcer ;
  • il faudrait aujourd’hui l’approbation des pays du Mercosur sur le contenu de la « clause de sauvegarde » : c’est faux puisqu’elle est présente sans discontinu dans toutes les versions de l’accord depuis a minima 2019 et que les pays du Mercosur en ont validé l’existence ;
  • il faudrait aujourd’hui l’approbation des pays du Mercosur sur le contenu de la la proposition de règlement de la Commission européenne sur les modalités d’application de la clause de sauvegarde : c’est faux puisque c’est un texte législatif unilatéral qui ne précise que les modalités de mobilisation de cette clause de sauvegarde côté européen ; depuis quand faudrait-il faire que l’approbation d’une législation interne à l’UE dépende d’une approbation extérieure à l’UE ?

Pourquoi la France n’a-t-elle rien fait avant ?
La clause de sauvegarde présente dans l’accord UE-Mercosur est définie par le chapitre 8 « Trade defense & Global safeguards » qui stipule le cadre général d’application conforme au droit de l’OMC et par le chapitre 9 « Bilateral Safeguard Measures » qui précise les modalités d’application spécifiques de la clause bilatérale prévue par l’accord UE-Mercosur. A notre connaissance, ces chapitres n’ont pas été modifiés depuis 2019.

Le rapport Ambec (2020) commandé par le Premier-ministre pour évaluer l’accord UE-Mercosur, déplorait l’absence dans l’accord de tout mécanisme de sauvegarde spécifique aux filières agricoles les plus fragiles, celles qui pourraient être les plus touchées par les effets de la libéralisation des marchés prévue par l’accord UE-Mercosur. Cinq ans plus tard, il n’y en a toujours pas : pourquoi la France n’a-t-elle jamais proposé et exigé d’inclure une clause de sauvegarde plus protectrice pour les filières les plus fragiles ?

La clause de sauvegarde règle-t-elle les problèmes soulevés par le monde agricole ?
Dans sa note, l’Aitec montre que la clause de sauvegarde et ses modalités d’application ne règlent aucun des problèmes structurels générés par l’accord UE-Mercosur sur les filières fragiles. Alors que l’activation d’une clause de sauvegarde reste l’exception et l’application de la libéralisation des marchés la règle générale, l’existence de cette clause a pour but de garantir que l’application des nouvelles règles ne soit pas trop violente, et non d’éliminer les règles qui provoquent la déstabilisation des marchés. De fait, la clause de sauvegarde est l’équivalent du temps-mort en sport : elle ne change pas les règles mais peut permettre aux concurrents de récupérer et adapter leurs pratiques dans le cadre de règles inchangées et/ou d’en profiter, sans garantie, pour porter réclamation et exiger une modification des règles. La clause de sauvegarde ne modifie pas l’économie générale de l’accord, ni ne permet d’en limiter les effets structurels.

Pour aller plus loin :

Organisations membres du collectif national Stop CETA-Mercosur : ActionAid France, Aitec, Amis de la Terre France, Attac France, Confédération Paysanne, CGT, Greenpeace France, Fédération Artisans du Monde, Fondation Copernic, FoodWatch, FNE, FSU, Solidaires, etc

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