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ANALYSE JURIDIQUE : la Commission européenne va-t-elle changer les règles du jeu pour ratifier l’accord UE-Mercosur quoi qu’il en coûte ?

lundi 22 mai 2023

Tour de passe-passe antidémocratique. Une nouvelle analyse juridique (ici en .pdf) commandée par la coalition européenne StopEUMercosur, dont l’Aitec et le collectif national Stop CETA-MERCOSUR, montre que les velléités de la Commission européenne visant à modifier les règles du jeu de la ratification de l’accord UE-Mercosur en vue de contourner l’opposition de certains États et parlements nationaux violent son mandat. Nos organisations appellent donc les gouvernements et les décideurs européens à rejeter avec fermeté toute tentative de la Commission visant à accélérer la ratification de la partie commerciale de l’accord d’association UE-Mercosur.

La Commission européenne a reconnu envisager une astuce procédurale visant à contourner l’opposition d’un certain nombre d’États membres de l’UE et de leurs parlements : le "splitting". Conçu comme un accord d’association, l’accord UE-Mercosur ne peut théoriquement être adopté que si tous les États membres de l’UE l’approuvent à l’unanimité. En d’autres termes, chaque État membre dispose actuellement d’un droit de veto. En outre, les parlements nationaux et/ou régionaux de l’UE ont également le droit d’approuver ou de rejeter l’accord au cours du processus de ratification se déroulant dans chaque pays. Le “splitting” conduirait à séparer le pilier commercial de l’accord UE-Mercosur du reste du contenu de l’accord d’association. Il entraînerait une modification de la procédure de vote pour le pilier commercial, qui pourrait être ratifié, contrairement à ce qui était initialement prévu, par une majorité qualifiée de membres du Conseil, sans nécessiter le consentement de tous les États membres de l’UE. Sans nécessiter non plus la ratification nationale de l’accord par les parlements des États membres. La Commission envisage également une autre voie juridique ayant un impact similaire consistant à accélérer la ratification du pilier commercial de l’accord UE-Mercosur sous la forme d’un accord de libre-échange dit "intérimaire". L’accord UE-Chili en est un exemple récent.

Afin d’étudier la légalité de telles actions, nos organisations ont commandé une analyse juridique au professeur Markus Krajewski et à Julian Werner de l’université Friedrich-Alexander d’Erlangen-Nuremberg. Cette analyse juridique confirme que scinder l’accord UE-Mercosur en deux enfreindrait le mandat que le Conseil a confié à la Commission. Une telle manœuvre vise à favoriser une entrée en vigueur rapide de l’accord commercial entre l’UE et le Mercosur, en dépit des inquiétudes largement exprimées concernant ses impacts environnementaux et sociaux négatifs. Elle aurait pour seul effet de faire taire le débat public et de mettre à l’écart l’opposition de certains gouvernements de l’UE et des parlements nationaux et/ou régionaux ayant déjà pris position contre l’accord.

Nos organisations appellent donc les États membres du Conseil de l’UE à :

  • Rejeter fermement toute tentative de la Commission de scinder la partie commerciale du reste de l’accord d’association UE-Mercosur, ainsi que toute tentative visant à forcer l’approbation de cet accord en tant qu’accord de libre-échange "intérimaire" ;
  • Si la Commission présente une proposition d’adoption d’un accord de libre-échange "scindé" ou "intérimaire", demander immédiatement l’avis de la Cour de justice européenne sur la base de l’article 218 (11) du TFUE quant à la compatibilité de ces accords "scindés" ou "intérimaires" avec les traités de l’UE.

Cette analyse juridique est publiée à l’occasion du Conseil des ministres européens du commerce qui se tient ce vendredi 26 mai et à l’occasion de la semaine européenne d’action du 22 au 26 mai contre les accords de libéralisation du commerce et d’investissement avec les pays d’Amérique latine (UE-Mexique, UE-Mercosur, UE-Chili).

Pour aller plus loin :



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