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La France est-elle en train de se rallier à l’Accord UE-Mercosur ?

lundi 1er février 2021

La France est-elle en train de négocier en catimini les conditions de son ralliement à l’Accord UE-Mercosur ? Selon un « document de travail » émanant du Ministère du commerce extérieur, la France semble accepter de sauver cet accord controversé, aux côtés de la Commission qui s’y emploie avec détermination : sous couvert de contreparties qui ne changent pas l’économie générale de cet accord inacceptable, la France accepte de ne pas rouvrir la négociation sur le contenu de l’accord. Le collectif national Stop CETA-Mercosur appelle le gouvernement à abandonner son double discours consistant à dire « Non » à Paris et à négocier à Bruxelles pour sauver l’accord. Il reprendra dans les jours prochains ses actions de mobilisation en ce sens.

Quelle est donc la position de la France sur l’accord UE-Mercosur ? Celle exprimée par la Ministre de la transition écologique Barbara Pompili disant « qu’il n’y aura pas d’accord avec le Mercosur au détriment de notre planète » ou celle du Ministre du commerce extérieur Franck Riester qui ne cesse d’affirmer qu’il ne veut pas « mettre 10 ans de négociations à la poubelle » ? Que vaut donc l’engagement pris par Emmanuel Macron le 14 décembre dernier devant les membres de la Convention citoyenne pour le climat indiquant que la France ne signera pas un accord avec le Mercosur et qu’il n’est pas question d’accepter « une déclaration annexe » qui viendrait compléter le contenu d’un accord inchangé ?

Ce gouvernement doit clarifier sa position et arrêter de se contredire ou d’adapter ses positions en fonction des circonstances. Récemment, Franck Riester déclarait à propos de l’accord sur les investissements UE-Chine « nous avons une ligne rouge : la ratification des conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT) » précisant que « les accords commerciaux servent aussi de levier pour faire avancer les sujets sociaux, pour lutter contre le travail forcé ». Que ce soit dans l’accord avec les pays du Mercosur ou dans celui entre l’UE et la Chine, rien de significatif ne permet de s’assurer du respect de cette ligne rouge.

Le document de travail (1) que le ministre du commerce extérieur a envoyé à tous les membres du Comité de suivi de la politique commerciale, et qui a déjà été publié par certains médias, fait plusieurs concessions majeures et inacceptables à la Commission européenne et aux États-membres favorables à une adoption rapide de l’accord : 1) accepter de ne pas rouvrir les négociations sur le contenu de l’accord ; 2) entériner le choix de la Commission européenne consistant à travailler sur une « déclaration des parties annexée à l’accord » qui ne saurait ni changer l’économie générale de l’accord ni avoir le même statut que l’accord lui-même.

Sur le fond, les « exigences additionnelles » proposées par le gouvernement sont doublement insatisfaisantes. Elles font d’abord l’impasse sur un nombre conséquent d’enjeux majeurs que soulèvent le contenu de l’accord et les négociations avec les pays du Mercosur : violation des droits humains, droits sociaux et droits des populations autochtones ou discriminées, déstabilisation des marchés agricoles et des économies locales, exportation massive de pesticides européens pourtant interdits d’usage en Europe, destruction d’emplois, satisfaction des intérêts des multinationales, etc.

Se focalisant sur le climat, la déforestation et les normes sanitaires, ces « exigences additionnelles » sont par ailleurs largement inoffensives et inapplicables parce que déclaratives et sans force exécutoire sur le contenu même de l’accord. L’exemple du CETA, dont le processus de ratification n’est toujours pas achevé, montre combien une déclaration additionnelle jointe à l’accord ne permet pas d’en modifier la logique, y compris sur le suivi et la bonne application des normes sanitaires.

Ce document de travail ne fait aucune référence aux asymétries existantes, notamment économiques et sociales, entre l’UE et les pays du Mercosur et au fait qu’il ne saura contribuer au développement durable et équilibré de nos sociétés. Le chapitre sur le développement durable ne comporte pas de mesures concrètes pour contrôler l’application des normes internationales du travail, en particulier les conventions fondamentales de l’OIT sur le travail décent, la convention 87 sur la liberté d’association et la protection du droit syndical, la violation de la convention 98 sur le droit de négociation collective, l’absence de référence à la convention 169 sur la protection des peuples indigènes gravement menacés dans plusieurs des pays du Mercosur, ainsi que de toutes les conventions liées à la sécurité sociale. L’accord, dans son état actuel, ne prévoit aucun mécanisme de participation réelle des syndicats, ni de sanctions en cas de violation de ces conventions.

Comment le gouvernement peut-il faire l’impasse d’exiger une renégociation du contenu de l’accord alors que la Commission européenne vient tout juste de publier un rapport de recherche qui montre que les importations cumulées de douze accords commerciaux en cours de négociation, de ratification ou d’application vont complètement déstabiliser les marchés agricoles, au détriment des producteurs locaux et de toute relocalisation écologique et solidaire (2) ?

Le collectif national Stop CETA-Mercosur appelle Emmanuel Macron et le gouvernement à sortir de son double discours et à œuvrer à Bruxelles en faveur de l’abandon de l’accord et non à le sauver comme actuellement. Nos organisations appellent les collectivités territoriales à s’engager « en faveur de l’abandon de l’accord UE-Mercosur et en faveur de la relocalisation écologique et solidaire » en votant un vœu en ce sens comme l’ont déjà fait des milliers de collectivités en Europe (3). Un outil électronique permettant aux citoyen.ne.s d’interpeller Emmanuel Macron et plusieurs ministres et déjà utilisé à l’automne sera relancé dans les jours prochains (4).

Notes :

(1) Voici le document de travail du ministère rendu public par plusieurs médias
(2) Selon le rapport de la Commission, d’ici à 2030, les importations de bœuf de l’UE augmenteraient de 21 à 26 %, et celles de volaille de 22 à 29 %, sur des marchés déjà saturés. L’accord avec le Mercosur serait le plus grand contributeur de ces nouvelles importations : 44% pour le bœuf et 37 % pour la volaille : https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/food-farming-fisheries/trade/documents/jrc-cumulative-economic-impact-of-trade-agreements-on-eu-agriculture_en.pdf
(3) Stop accord UE-Mercosur : demandons aux collectivités territoriales de s’engager
(4) Retour sur la mobilisation de l’automne 2020