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Lettre ouverte à E. Macron : « Non, l’accord UE-Mercosur n’est pas acceptable »

mardi 28 octobre 2025

En février 2025, au salon de l’agriculture, Emmanuel Macron qualifiait l’accord de libre-échange UE-Mercosur de « mauvais texte », précisant qu’il ferait « tout pour qu’il ne suive pas son chemin » (2). Ce 23 octobre, en marge du Conseil européen, il a confirmé que sa position était subitement passée d’un "Non en l’état" à un "Oui probablement", affirmant que « tout allait dans le bon sens », acceptant désormais ce qu’il jugeait inacceptable il y a quelques mois encore.

Dans une lettre ouverte rendue publique ce mardi 28 octobre, une quarantaine d’organisations de la société civile (associations, ONG, syndicats, collectifs citoyens), dont le collectif national Stop Mercosur, interpellent E. Macron et plusieurs membres du gouvernement : "rien ne saurait justifier ce brusque changement de position". Elles précisent que ni la clause de sauvegarde ni l’annexe sur le développement durable ne permettent de satisfaire les lignes rouges que la France avait fixées en 2020. Et encore moins de répondre aux critiques énoncées par le monde agricole, et plus généralement par les organisations de la société civile. Elles appellent donc l’exécutif à revoir sa position et à enfin construire cette minorité de blocage, possible, seule à-même de bloquer l’accord de libre-échange le plus nocif et le plus contesté de l’histoire de l’Union européenne.

Télécharger la lettre ouverte en .pdf.

Cette lettre ouverte est publiée à l’occasion du lancement de la campagne européenne pour bloquer la ratification de l’accord de libre-échange UE-Mercosur. A ce titre, vous pouvez :

Le contenu de la lettre

« Non, l’accord UE-Mercosur n’est toujours pas acceptable - Nous vous appelons à vous y opposer fermement et à construire une minorité de blocage »

Monsieur le Président de la République,

Par ce courrier, nous, organisations de la société civile soussignées, exprimons nos plus vives inquiétudes et notre totale incompréhension devant les réactions complaisantes provenant de l’Elysée et de plusieurs ministères suite à la décision de la Commission européenne de transmettre l’accord de libre-échange UE-Mercosur au Conseil des 27 États-membres de l’Union européenne pour une ratification expresse et sans consultation démocratique des Parlements des États membres sur la partie commerciale de l’accord.

Rappelons que le 6 décembre 2024, alors que la présidente de la Commission européenne annonçait avoir conclu les négociations du contenu de l’accord, vous faisiez savoir que le texte « restait inacceptable en l’état » (1). Lors du dernier Salon de l’agriculture, en février 2025, vous qualifiez encore le contenu de « mauvais texte », précisant que vous feriez « tout pour qu’il ne suive pas son chemin, pour protéger cette souveraineté alimentaire française et européenne » (2).

Nos inquiétudes et notre incompréhension sont d’autant plus vives que le contenu de l’accord n’a été l’objet d’aucune modification de substance depuis décembre 2024. Seules une révision légale et la traduction de l’accord ont été menées à bien. Subitement, l’exécutif français est donc passé d’un « Non en l’état » à un « Oui probablement », abandonnant en rase campagne les trois lignes rouges qu’il avait fixées en 2020 suite à la publication du rapport Ambec, et acceptant de facto ce que la France jugeait inacceptable il y a encore peu.

Rien ne saurait justifier ce brusque changement de position, particulièrement dans le contexte où la distorsion de concurrence et de normes environnementales et sociales entre les produits en France et dans l’UE et les produits importés des pays du Mercosur est l’objet de débats brûlants et légitimes. Car non, l’accord présenté par la Commission européenne ne va pas « dans le bon sens ». L’analyse attentive de son contenu montre bien que l’ouverture des marchés agricoles européens a servi de monnaie d’échange.

Ce n’est pas « la clause de sauvegarde » mise en avant par la Commission européenne, et présente dans l’accord depuis 2019, qui saurait changer la donne : on ne règle pas des risques de déstabilisation structurelle de marchés agricoles par l’activation d’une mesure par définition temporaire et dont l’usage est limitatif et exceptionnel. Face à ces risques structurels persistants, la réponse de l’UE consiste à mettre sur pied un fonds de compensation des agriculteurs mis en danger par cette concurrence déloyale : les agriculteurs.trices veulent vivre de leur travail, pas être indemnisés pour disparaître. 

Précisons également que l’analyse du contenu de l’accord montre que les lignes rouges énoncées par la France à l’automne 2020 ne sont pas satisfaites par l’ajout d’une annexe sur le développement durable. Ni sur la déforestation puisque la promesse ne comporte aucune dimension exécutoire et que la mise en œuvre du règlement européen contre la déforestation, initialement porté par la France, serait compromise par l’accord commercial. Ni sur le climat puisque l’accord ne saurait être suspendu si un État menait des politiques contraires à la lutte contre le changement climatique. Ni sur le respect des normes sanitaires et environnementales de l’Union européenne puisqu’il ne saurait être exigé des produits importés qu’ils soient produits selon des processus similaires aux produits européens.

Ce changement de position soudain de la France est d’autant plus préoccupant que cet accord de libre-échange soulève toujours des objections sévères pour ses impacts des deux côtés de l’Atlantique en matière de climat, de droits humains et des peuples autochtones en particulier, de déforestation, de biodiversité, de bien-être animal, d’extraction minière, d’emplois et de justice sociale.

Raison pour laquelle, nous vous demandons de :
  • clarifier publiquement la position française et expliquer comment vous allez vous y prendre pour bloquer la ratification de cet accord ;
  • construire une minorité de blocage avec les autres pays européens critiques de cet accord (Autriche, Irlande, Pays-Bas, Pologne, etc) ;
  • vous opposer par tous les moyens à votre disposition à la division de l’accord en deux (« splitting ») voulu par la Commission européenne afin d’accélérer la ratification de la partie commerciale de l’accord.

Nous souhaitons enfin profiter de ce courrier pour rappeler que les derniers sondages d’opinion montrent que les accords de libéralisation du commerce sont largement rejetés par l’opinion publique de nombreux pays, notamment en France (3) : il n’y a plus de majorité sociale en faveur d’accords qui contribuent à importer et exporter toujours plus de biens et services par delà les frontières au détriment des bons emplois, de l’activité agricole et industrielle, des productions de qualité, du climat et de la biodiversité, des droits humains et sociaux, etc.

Veuillez recevoir, Monsieur le Président de la République, nos respectueuses salutations.

Notes :
1. Accord UE-Mercosur : « Ce n’est pas la fin de l’histoire », réagit l’Elysée, pour qui le texte « reste inacceptable en l’état » 
2. Face aux agriculteurs, Macron fustige l’accord Mercosur, « un mauvais texte »
3. 76% des Français s’opposent à l’accord avec le Mercosur

Les organisations signataires : :

ActionAid France, Action non-violente COP 21 (ANV-COP 21), Agir pour l’environnement, Aitec, all4trees, Alofa Tuvalu, Alternatiba, Amis de la Terre France, Attac France, Bio Consom’acteurs, BLOOM, CADTM France, Canopée, Collectif national Stop Mercosur, Commerce Equitable France, Confédération Générale du Travail - CGT, Confédération paysanne, CRID, Ekō, Emmaüs International, Fédération Artisans du Monde, foodwatch, Fondation Copernic, France Amérique Latine - FAL, France Nature Environnement, FSU - Fédération Syndicale Unitaire, GAFE-France, Générations Futures, Greenpeace France, Ingénieurs sans frontière Agrista, LDH, Les Ami·e·s de la Confédération paysanne, Max Havelaar France, MIRAMAP, MRJC - Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne, Nature & Progrès, Notre Affaire à Tous, Pôle InPact, Réseau Action Climat, Slow Food en France, SOL, Solidaires, SOLIDAIRES Douanes, Terre de Liens, VRAC France

Pour aller plus loin :

Organisations membres du collectif national Stop CETA-Mercosur : ActionAid France, Aitec, Amis de la Terre France, Attac France, Confédération Paysanne, CGT, Greenpeace France, Fédération Artisans du Monde, Fondation Copernic, FoodWatch, FNE, FSU, Solidaires, etc

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