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L’ISDS mort-vivant

lundi 5 décembre 2016

Depuis deux ans, une controverse sans précédent en Europe, à propos d’un élément des accords de libre-échange inconnu auparavant, tient les citoyens, les politiciens et les médias en alerte. Elle concerne le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, en abrégé, ISDS (de l’anglais Investor-State Dispute Settlement).

L’ISDS est inclus dans des milliers d’accords internationaux. Il permet aux entreprises de poursuivre les gouvernements si elles estiment que des changements politiques nuisent à leurs profits, même quand ils visent à protéger la santé publique ou l’environnement. De telles poursuites contournent les tribunaux nationaux et se déroulent devant un tribunal d’arbitrage international composé de trois arbitres commerciaux privés qui décident de ce qui est le plus important : les profits privés ou l’intérêt général. Partout dans le monde, les tribunaux d’arbitrage investisseur-État ont accordé aux grandes entreprises des milliards de dollars piochés dans les poches des contribuables, souvent en dédommagement de mesures d’intérêt public.

La proposition de la Commission européenne d’inclure ce régime juridique puissant au service des entreprises dans l’accord commercial en cours de négociations avec les États-Unis, le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI, TAFTA ou TTIP pour « Transatlantique Trade and Investment Partnership ») a suscité une opposition massive : plus de 97% des 150 000 participants, une participation record, ont rejeté le principe de ces privilèges lors d’une consultation publique. Des critiques se sont également élevées au sein des États membres
de l’UE et du Parlement européen. L’ISDS est devenu « l’acronyme le plus toxique en Europe » selon les mots de la Commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström.

Pour tenter de contourner l’opposition massive engendrée par l’ISDS, la Commission européenne a choisi une appellation différente quand, à l’automne 2015, elle a présenté une proposition révisée pour toutes les négociations en cours et à venir de l’UE en matière d’investissement, dont le TAFTA/TTIP. À la place de l’ « ancien » ISDS : la Commission promet un « nouveau » système prétendument indépendant et supposé protéger le droit à réglementer des gouvernements : l’ « Investment Court System » (système judiciaire sur l’investissement) ou ICS.

L’analyse présentée dans ce rapport montre que l’ICS ne met pas un terme à l’ISDS. Bien au contraire, il habilite des milliers d’entreprises à contourner les systèmes juridiques nationaux et à poursuivre les gouvernements devant des tribunaux parallèles si des lois et des réglementations limitent leur capacité à réaliser des bénéfices. Cela ouvrirait la voie à l’accaparement de milliards d’argent public par les multinationales. Il restreindrait l’élaboration
de politiques souhaitables en matière de protection des individus et de la planète. Enfin, il menace d’enfermer définitivement les pays membres de l’UE dans le régime d’injustices de l’ISDS.

En somme, le « nouvel » ICS qu’on nous propose, c’est l’ISDS revenu d’entre les morts. C’est l’ISDS mort-vivant.